Après une formation dans le développement web, Thomas Létocart, 26 ans, est devenu conseiller numérique France Services. Il opère à Gauchy dans les Hauts-de-France depuis juin 2021 et nous livre sa vision du métier.
Pourquoi êtes-vous devenu conseiller numérique ?
C’est un métier qui me plaît beaucoup parce que je suis vraiment en contact avec les gens. Aucune journée ne se ressemble. Chaque personne vient avec son vécu, ses demandes spécifiques, donc on a le sentiment d’être utile.
Comment se passent vos ateliers ?
Je fais beaucoup d’accompagnements individuels parce que les gens le réclament et ils aiment que nous soyons à leur écoute. Cela permet aussi de cibler vraiment ce que les gens ont envie de voir. Régulièrement, dans la semaine, nous faisons aussi des ateliers avec cinq ou six personnes. Dans ces cas-là, ce sont des ateliers avec des thématiques comme « Naviguer sur Internet”, “Faire une démarche en ligne” ou encore “Consulter ses mails”. Chaque vacances, nous organisons aussi des ateliers avec des enfants. Nous faisons des ateliers avec notre Fablab où nous utilisons une imprimante 3D. Les enfants apprennent ainsi à modéliser une pièce pour ensuite la voir s’imprimer en 3D.
Est-ce que vous faites d’autres ateliers spécifiques ?
Pour les enfants, nous faisons aussi des ateliers avec un fond vert sur lesquels ils peuvent faire des vidéos et ça leur plaît beaucoup. Avec les adultes, on fait des ateliers autour des ENT, les plateformes scolaires qui accompagnent les parents d’élèves dans les démarches avec l’école. Les samedis matins, on organise aussi des ateliers sur les façons de booster son PC, donc cela consiste essentiellement à faire un bon nettoyage, à apprendre les bonnes pratiques pour que son PC soit le plus fluide possible.
Quels sont vos échanges avec les usagers ?
Les gens reviennent souvent, ils sont contents, ils nous le font savoir. Ils nous disent que ça leur plaît énormément de venir aux ateliers. Il y en a beaucoup qui sont démunis dès qu’ils ont besoin de faire une démarche et le fait de venir ici, ils se sentent plus à l’aise, ils ont moins peur d’aller sur Internet. Donc un certain nombre de personnes qui étaient démunies, aussi bien socialement qu’au niveau de leurs démarches, se retrouvent à se débrouiller très bien toutes seules, ce qui fait plaisir.
Qu’est-ce qu’il faut pour être un bon conseiller numérique selon vous ?
Déjà, il faut bien aimer le contact humain. Il y a beaucoup de personnes qui viennent pour parler, des gens qui n’ont pas beaucoup de famille et qui sont un peu isolés. Le numérique, c’est aussi pour eux un moyen de discuter avec quelqu’un, de se retrouver. Et puis aussi, il faut savoir être patient et être capable de s’adapter.
Est-ce qu’un accompagnement vous a particulièrement marqué ?
Oui, un monsieur qui a perdu sa femme et qui s’est retrouvé complètement démuni devant toutes les démarches qu’il devait faire, les déclarations, les demandes de réversion… Il était un peu en panique, parce que beaucoup de ces démarches se faisaient en ligne. Donc je l’ai accompagné pendant plusieurs jours et ce monsieur a été vraiment reconnaissant à mon égard. Il se serait retrouvé complètement perdu sans notre présence. Beaucoup de gens connaissent des difficultés semblables. Vu l’évolution du numérique, de plus en plus de personnes vont se retrouver démunies. Les gens ont besoin de nous.
Est-ce que le chemin vers l’autonomie fonctionne bien selon vous ?
Oui, ça marche très bien. Un certain nombre de personnes que j’ai accompagnées sur plusieurs séances n’ont presque plus besoin de moi aujourd’hui. Elles ne viennent que de temps en temps, par exemple si elles ont une question particulière, mais elles sont contentes de pouvoir se débrouiller par elles-mêmes maintenant.
Haut de pageL’association implantée à Orléans organise des ateliers autour des arts numériques et des questionnements d’aujourd’hui au sujet d’Internet. Rencontre avec les deux conseillers numériques France services qui animent le lieu.
Ils avouent être complémentaires et travailler en bonne symbiose. Manuel et Simon sont tous les deux arrivés à l’association en tant que Conseillers numériques France Services en septembre 2021 et depuis, ils accompagnent tout à chacun dans la prise en main de l’outil numérique. Au-delà des ateliers du mercredi après-midi où n’importe qui est invité à les solliciter pour un problème rencontré, notamment en informatique, les deux conseillers proposent des activités tournées autour du champ des arts numériques, comme une initiation à l’imprimante 3D ou encore à la broderie numérique.
“J’ai par exemple récemment accompagné une jeune artiste qui sortait d’une école d’art sur la question de l’intelligence artificielle et de la reconnaissance faciale”, explique ainsi Simon. “L’objectif est que l’artiste devienne ensuite un vecteur de transmission autour des grandes questions que nous pouvons nous poser devant le monde numérique”, ajoute de son côté Manuel. D’où l’intérêt d’ouvrir des ateliers pour les créateurs de tous bords et qu’ils puissent y trouver une source d’inspiration autant que des conseils pratiques.
Données personnelles
“Tous les jeudis, entre 16 heures et 21 heures, nous ouvrons le FabLab dans lequel nous faisons des partages de connaissances et accompagnons les différents porteurs de projets”, indique ainsi Manuel. Dans la même veine, l’association a organisé un point de rencontre au festival de musique Le Printemps de Bourges où étaient bienvenues les sollicitations de tout ordre. Labomedia a aussi créé son festival dédié aux arts numériques, le XUL, qui a lieu une fois par an.
“Nous sommes très concernés par les questions d’aujourd’hui, celles qui portent sur l’écologie, la problématique des données personnelles qui sont conservées dans un monde marchand, comment protéger sa vie privée…”, explique Manuel qui dit avoir beaucoup d’adhérents de l’association intéressés par ces moments d’échange. “On constate que les personnes âgées sont plus enclines à changer d’habitudes que les plus jeunes qui, eux, acceptent davantage la collecte des données personnelles”, pointe Simon. Aussi des petites entreprises plébiscitent les deux conseillers pour utiliser le numérique de façon plus éthique, avec pour objectif de “fabriquer des futurs heureux” comme le dit la devise de l’association.
Haut de pageAvec pas moins de 1500 participants venus de toute la France, NEC 2022 (Numérique en Commun[s]) a pris ses quartiers dans le stade Bollaert de Lens du 27 au 29 septembre dernier. Pour tous les acteurs de l’inclusion numérique, c’est l’occasion d’échanger, de s’inspirer et de se rencontrer. Récit.
“Faire du numérique une chance pour tous” est-il écrit sur le t-shirt d’une participante à un des ateliers consacrés à l’itinérance des conseillers numériques et à la mobilisation d’un public plus large. Pendant une heure, une trentaine de personnes ont planché sur ces problématiques, réfléchissant aux actions les plus pertinentes et aux difficultés qu’ils ont rencontrées. Au-delà des conférences, NEC propose des ateliers pratiques dans lesquels les conseillers numériques peuvent échanger sur leurs expériences après une première année sur le terrain.
À l’atelier “Comment communiquer sur mon action et la valoriser ?”, les conseillers numériques étaient invités à faire part de leurs vécus à haute voix. Une discussion riche qui permet de révéler la pluralité des profils et par conséquent, des façons de s’y prendre pour faire connaître le dispositif des Conseillers numériques France Services. “Banquet des aînés”, sorties de messe, tractage sur les marchés… tout est bon pour se rendre visible. Tous constatent que la présence d’un humain permet de rassurer et de créer le lien de confiance nécessaire pour attirer les potentiels bénéficiaires aux ateliers.
“Le public sénior est très réceptif à cette offre, mais ce n’est pas le cas du public précaire, qui est difficile à mobiliser”, explique un directeur de structure qui accueille des conseillers numériques. Autre difficulté : réussir à convaincre les différents acteurs de l’utilité à se coordonner et à avoir une vision globale du dispositif. C’est justement le rôle clef du coordinateur dont la mission est de s’assurer de la bonne communication entre les conseillers numériques sur le territoire et de la complémentarité de leurs actions. Ainsi de Annabelle Permalnaïck, coordinatrice sur l’île de la Réunion, qui mentionne le défi majeur de coordonner l’action de 62 conseillers numériques.
Après son intervention très attendue, Stanislas Guerini, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques est allé à la rencontre des participants afin de comprendre dans les détails les problématiques de chacun. Un peu avant, il a pris la parole pour rassurer sur l’engagement de l’État et l’avenir du dispositif, annonçant que le nombre de conseillers numériques pourrait augmenter.
Haut de pagePour son deuxième atelier, Marie-Thérèse a appris comment envoyer un e-mail et comment y répondre. Le conseiller numérique Aurélien Journet l’accompagne dans ses démarches en ligne.
Il y a une bonne humeur qui se dégage de la fin de l’atelier de ce vendredi après-midi à Saint-Pierre-des-Nids. Marie-Thérèse est là depuis près de deux heures et elle surfe sur Google map, regardant des images de Tahiti où se trouvent en ce moment des membres de sa famille. “J’ai eu vent des ateliers Cnfs par la presse et j’ai un moment hésité avant de finalement venir. Aujourd’hui, c’est mon deuxième atelier. Nous avons travaillé, en plus de la boîte mail, sur les touches du clavier”, témoigne-t-elle.
Possédant un vieil ordinateur avec Windows 7, Marie-Thérèse a eu du mal à se mettre à jour devant les nouveaux outils numériques et elle a donc sollicité l’accompagnement d’Aurélien qui, présent dans une zone rurale, réalise ce type de missions auprès de nombreux séniors. “Je l’ai aidé à acheter un nouveau PC. Un portable accessible. Je n’allais pas lui proposer un ordinateur à 1000 euros pour y faire des jeux vidéo dessus, mais un ordinateur simple d’utilisation et qui permet de réaliser un certain nombre de démarches en ligne”, relate ainsi Aurélien.
Ses ateliers réunissent en général six à huit personnes, toutes désireuses d’apprendre davantage à se servir d’un ordinateur, d’un smartphone, d’une tablette ou encore de surfer sur Internet. Il voit aussi grandir peu à peu leur autonomie, en dépit des craintes fréquentes ou des impressions de ne pas pouvoir y arriver. Même si cela est encore tôt pour Marie-Thérèse, elle et lui ont déjà discuté de comment remplir ses impôts en ligne ou encore comment faire une visioconférence avec sa famille. Les prochains exercices des prochains ateliers.
Haut de pageDepuis près d’un an, la conseillère numérique Camille Sterckler réalise des ateliers et des suivis auprès du monde de l’entreprise à Metz en Moselle. Elle accompagne les artisans et entrepreneurs dans la prise en main des différents outils du numérique.
Que ce soit pour améliorer leurs présences en ligne ou pour des besoins plus internes, comme tout le volet administratif, de gestion ou encore de ressources humaines, les chefs d’entreprise qui viennent aux ateliers de Camille ont des besoins bien réels et aussi certains freins. “Les profils que je suis sont très variés. Ce ne sont pas seulement des personnes d’un certain âge, mais aussi parfois des jeunes qui ne soupçonnent pas l’ensemble du potentiel que peuvent avoir certains outils”, explique ainsi la conseillère numérique.
Sollicitée pour la question du référencement en ligne – elle dit même que c’est souvent la porte d’entrée pour les artisans qui suivent ses ateliers – Camille insiste pour dire que désormais les entreprises ne peuvent pas s’en passer sous peine de laisser un concurrent leur prendre des parts de marché. “J’explique que la présence en ligne est parfois très importante pour certains commerces et que l’internaute va aussi vers la boutique qui donne le plus d’informations, comme ses heures d’ouverture, son adresse, etc… Devant une activité qui n’a pas une forte présence en ligne, il y a des chances pour que l’internaute s’en détourne et aille voir ailleurs”.
Diversifier ses activités
Les ateliers de Camille se prolongent aussi dans le cadre interne de l’entreprise. Elle déploie avec les entrepreneurs ou artisans des outils qui peuvent les aider dans la gestion du quotidien, comme pour la comptabilité, la bonne prise en main des factures ou encore dans le domaine des ressources humaines, ce qui facilite ensuite le développement de l’entreprise et lui permet même de se déployer autrement.
Camille se souvient ainsi d’une entrepreneuse qu’elle accompagne. À la tête d’une épicerie en vrac, cette personne a pu, grâce au numérique, diversifier ses activités et proposer une formation inédite faite avec des vidéos Youtube pour apprendre aux gens comment adopter un mode de vie “zéro déchet”. Elle a pu ainsi mêler à son commerce physique et local une autre clientèle, cette fois en ligne.
Haut de pageDans cet espace situé à Schiltigheim en Alsace, un conseiller numérique France Services accompagne tout un chacun dans l’usage du numérique et permet à certains de créer avec les outils de demain.
Ouvert en février 2016 sur l’initiative d’Anne-Catherine Klarer, la Cab’Anne des Créateurs se veut comme un endroit permettant aux gens de mener des activités artistiques et de bricolage qui prendraient une place trop importante chez eux, avec le matériel adéquat et l’accompagnement humain. Dès 2018, encouragé par la région Grand-est et le conseil départemental, le lieu s’est aussi tourné vers des ateliers numériques menés par des jeunes en Service Civique, notamment dans l’usage d’une imprimante 3D et d’une découpe laser. Depuis juin 2021, la Cab’Anne accueille Galaad Chabernaud, conseiller numérique France Services.
Sa présence permet au lieu de proposer divers ateliers favorisant l’inclusion numérique. “J’ai accompagné 1000 personnes en un an”, relate Galaad et d’ajouter que les profils sont très variés : “De l’adolescent qui me demande de l’aide dans une initiation à la programmation informatique à des personnes précaires qui ont besoin de faire une démarche en ligne urgemment ou encore des retraités qui souhaitent mieux prendre en main l’outil numérique…” À terme, l’objectif est que tous deviennent autonomes, ce qui sera le cas au bout de quelques semaines ou quelques mois. “Environ 80% des usagers sont autonomes rapidement”, assure ainsi Galaad.
Jeux vidéo
Le plus de la Cab’Anne ? Des ateliers spécifiques qui font usage de l’imprimante 3D ou de la découpe laser. Équipé, le lieu permet d’organiser un temps pour l’usager autour de ces outils numériques de demain, leur apprenant à s’en servir pour bricoler quelque chose ou réaliser un travail artistique. C’est aussi parfois l’inverse qui se passe comme l’explique Anne-Catherine : “Des personnes qui viennent par exemple à la Cab’Anne pour un atelier de céramique vont prendre connaissance des ateliers organisés par Galaad autour du numérique. Elles vont alors nous révéler qu’elles aimeraient y participer, ne sachant pas toujours se servir d’Internet ou même d’un ordinateur”.
Cet été, Galaad a organisé des ateliers en plein air, directement au pied d’immeubles dans certains quartiers de la ville. Il a utilisé un prototype d’ordinateur sans connexion et avec un jeu de billes, une sorte de maquette, pour apprendre à de jeunes gens la logique de fonctionnement d’une machine. Il a aussi réalisé avec deux personnes une carte en bois fabriquée à la découpe laser pour être remise au vainqueur d’une compétition de jeux vidéo. En parallèle, il reste informé sur d’autres besoins que peuvent avoir ses usagers. Il ouvre par exemple en ce moment des ateliers pour aider à se servir du carnet de santé en ligne lancé récemment par l’Assurance maladie.
Haut de pageAprès avoir été bibliothécaire durant dix ans, Marjolaine a décidé de changer de voie. Elle est devenue conseillère numérique France Services depuis le 14 juin 2021 dans le département de l’Indre (36) afin de travailler davantage dans le secteur social. Pour “Les chemins du numérique”, elle raconte son parcours et sa vision des choses.
Pourquoi avez-vous choisi de devenir conseillère numérique ?
C’est un métier qui a du sens, on se sent utile. Nous participons quelque part à cette quête d’autonomie nécessaire et si importante pour tout citoyen, notamment pour exercer ou demander ses droits. À travers ce métier, nous remettons l’humain au centre des préoccupations, c’est un enjeu majeur dans notre société toujours plus dématérialisée et déshumanisée.
Connaissiez-vous le concept d’”inclusion numérique” auparavant et si oui, comment le définiriez-vous ?
L’inclusion numérique consiste selon moi à accueillir dans toute sa diversité chacune et chacun, respecter, accompagner et donner les compétences nécessaires aux individus pour qu’ils puissent être plus à l’aise avec le numérique et notamment pour effectuer leurs démarches administratives en ligne.
Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans ce travail ?
J’apprécie le contact humain avant toute chose. Après avoir abordé les questions numériques, nous sommes souvent une personne à qui l’on peut se confier, avec qui des échanges divers et variés se créent. La grande majorité de mes usagers sont des personnes seules, parfois isolées, avec peu de famille et de contact humain. Ils recherchent cela aussi.
Est-ce qu’il y a des accompagnements qui vous ont particulièrement marqués ?
J’ai par exemple accompagné une personne pour son dossier retraite. Cette personne ne dormait plus à cause de ce souci et était particulièrement stressée, car elle avait déjà perdu plusieurs mois de pension. Elle est repartie soulagée et heureuse que ce problème soit enfin réglé. Cet accompagnement m’a particulièrement marqué, car cette personne était l’incarnation de tout ce qui peut découler des difficultés liées à l’utilisation des outils numériques.”
Haut de pageÀ La Canourgue, en Lozère, le conseiller numérique Roland Fisher organise des rencontres pour mettre en garde devant les dangers d’Internet. Les participants reconnaissent être souvent piégés et plébiscitent son regard pour éviter d’être victimes de nouvelles fraudes.
Un mail frauduleux qui se fait passer pour La Poste ou la Sécurité sociale et vous demande vos coordonnées bancaires, Roland en entend parler très souvent. Devant l’afflux de personnes qui ont été très proches d’être dupées, il organise des ateliers pour prévenir ce genre d’arnaque sur Internet. La boîte email, souvent vue comme un lieu de confiance, est la cible numéro un des pirates qui parviennent à susciter l’intérêt des usagers. “Ce qu’il faut apprendre, c’est de pouvoir discerner la source d’un email ou d’un site Internet”, explique ainsi Roland.
Le conseiller numérique montre souvent aux participants de ses ateliers des mails d’arnaques afin de leur permettre de les reconnaître s’ils en reçoivent. “Souvent, le problème est que les usagers que je vois ne parviennent pas à faire la différence entre ce qui est dangereux et ce qui ne l’est pas”, détaille Roland et d’ajouter : “Ils vont par exemple répondre à un mail frauduleux alors qu’ils n’osent pas acheter en ligne sur des sites sûrs”.
Piratages informatiques
Depuis qu’il réalise ces ateliers, il s’est rendu compte du désarroi de certaines personnes, cibles faciles pour des arnaqueurs et s’est fait fort de former aussi les gens qui travaillent à la mairie de cette commune de 2.200 habitants. “Les cyberattaques sont très fréquentes et il est très important que les élus et les conseillers de la mairie soient avertis du danger”. De fait, selon le ministère de l’Intérieur, il y a eu environ 2000 plaintes de collectivités concernant des piratages informatiques entre 2016 et 2020. “Une commune proche de chez nous a été attaquée. Ils ont perdu plusieurs années de données administratives et comptables”, relate ainsi Roland qui ne manque pas de donner cet exemple pendant ses ateliers et distribuer ensuite dans toute la mairie une fiche explicative.
Le conseiller organise aussi des séances pour apprendre à se servir d’un ordinateur ou encore accompagner quelqu’un qui souhaite faire des démarches en ligne. À ce titre, il est surpris de voir parfois un public jeune qui n’arrive pas à se servir d’un site officiel, comme celui de Pôle emploi, ce qui lui a valu de créer de nouveaux ateliers en ce sens. Devant certaines personnes âgées qui n’ont pas tellement envie d’apprendre à utiliser le numérique, il a trouvé un moyen de susciter leur intérêt : il les aide à se servir de skype ou whatsapp afin que ces dernières puissent communiquer avec leurs enfants ou leurs petits-enfants.
Haut de pageÀ Aulnay-sous-Bois en Seine-Saint-Denis, un conseiller numérique et une assistante sociale organisent des séances de photographies avec des demandeurs d’asile. Un travail exposé le 20 juin dernier à Pantin lors de la journée mondiale des réfugiés.
Il a le sourire large, Masihullah, quand il parle de ses photographies. À Kaboul, en Afghanistan, là d’où il vient, il travaillait justement dans un studio photo. Aujourd’hui, il profite de cet atelier pour continuer sa passion. Âgé de 29 ans, il est en France depuis un peu plus de trois ans et bénéficie d’un hébergement d’urgence à Aulnay-sous-Bois. C’est justement cette structure, l’Huda, qui a sollicité la présence d’un conseiller numérique il y a un peu plus d’un an, en l’occurrence Christophe.
“J’organise des ateliers pour aider les réfugiés à apprendre à se servir d’un ordinateur, faire des démarches sur Internet et je propose aussi des excursions photo en Île-de-France, en binôme avec ma collègue Léna qui est assistante sociale, pour leur donner l’occasion de changer d’air tout en valorisant leur regard”, explique-t-il. Une quinzaine de demandeurs d’asile ont ainsi pu participer à ces ateliers qui avaient lieu une fois par mois entre mars et juin et produire ensuite une exposition dévoilée à Pantin.
Des rencontres et des liens
Vues de la campagne proche de Paris, éléments du patrimoine photographiés avec soin, portraits du groupe dans lequel ils évoluent… Les demandeurs d’asile ont ainsi pu sortir de leur routine et visiter le territoire voisin de la capitale. Ils se sont rendus notamment au château de Pierrefonds ou encore à Auvers-sur-Oise et en ont rapporté des tableaux à eux, leur regard, leur point de vue. “Cet exercice m’a beaucoup apporté”, témoigne Masihullah, “Avec ces photographies j’ai l’impression de pouvoir montrer un peu de mon talent, ce que je n’ai pas beaucoup l’occasion de faire depuis que je suis en France. Aussi, d’une certaine façon, cela m’a vidé de mon stress”.
“Il est clair que ces sorties dans la nature ont fait du bien aux réfugiés. Ces ateliers leur ont permis de s’aérer et de faire un certain nombre de découvertes. Cela les sort d’un certain enfermement dans lequel ils peuvent se trouver quand ils sont dans le centre d’hébergement d’urgence à Aulnay-sous-Bois”, étaye Christophe. Convaincu de la valeur de ces ateliers, il estime que cela dépasse un simple accompagnement, avec des rencontres et des liens qui ne pourraient pas se faire autrement. Il aimerait continuer l’aventure, notamment en octobre prochain sous forme d’un petit road trip de cinq jours dans la campagne française.
Pour certains participants, cela a même été un révélateur. C’est le cas de Gul Aqa, 32 ans, lui aussi originaire d’Afghanistan. “J’aime photographier”, dit-il avec des étoiles dans les yeux, “et j’ai appris à me servir d’un appareil photo avec cet atelier. Maintenant, j’aimerais beaucoup trouver une formation de photographe qui soit accessible pour moi, afin de peut-être en vivre professionnellement un jour.”
Haut de pageÀ Mûrs-Érigné, dans le Maine-et-Loire, Emmanuelle Doubleau réalise depuis un an des ateliers pour accompagner tout un chacun dans l’accès au numérique et livre notamment ses conseils face aux fake news.
Quand elle évoque son travail, Emmanuelle aime prendre l’image d’un bateau. “Nous sommes face à un océan et il s’agit d’aider à naviguer, d’apprendre à se servir des bonnes cartes pour bien viser son cap”, explique-t-elle. Vivant dans une commune d’environ 6000 habitants, cette mère de trois enfants a décidé de rejoindre l’équipe des conseillers numériques, convaincue que son rôle est de faire cet accompagnement dans la prise en main du numérique.
“Avec mes enfants, par exemple, qui sont âgés de 14 à 18 ans, j’ai vu que les démarches administratives étaient difficiles pour eux. Par exemple : refaire sa carte d’identité. C’est cela qui m’a encouragé à prendre le rôle de conseillère.”, témoigne-t-elle. Depuis un an déjà, elle effectue ainsi différents ateliers, aidant les participants à naviguer sur le web et leur donnant des clefs de lecture utiles quand ils sont connectés.
Ressources numériques
“Je me suis rendu compte que beaucoup de personnes ont du mal à vérifier une information et surtout qu’ils peuvent la croire crédible à partir du moment où ils l’ont vu sur Internet”, étaye Emmanuelle. Ainsi, un atelier spécialement conçu sur le cas des fake news a été mis en place et marche très bien. “L’idée est de leur permettre d’apprendre à vérifier une information en quelques clics et à identifier davantage les sources.”
Mais le travail d’Emmanuelle ne s’arrête pas là. Avec des personnes plus âgées, elle travaille à leur donner accès à la médiathèque de la ville, que les ressources numériques puissent être plus facilement trouvées et lues. “C’est vraiment l’idée de démystifier l’outil et de casser les barrières qui retiennent certains publics d’y aller”. Elle cite pour l’exemple une dame âgée qui est arrivée à son atelier en disant que ses enfants et ses petits-enfants se moquaient d’elle parce qu’elle n’arrivait pas à se servir d’un téléphone portable et d’un ordinateur. “En six mois, elle a réussi à manier tous ces outils et elle n’est pas peu fière de raconter à tout le monde que désormais elle regarde des films grâce à son ordinateur”.
Emmanuelle espère que le dispositif pourra être prolongé et estime que ses ateliers ont du sens à être proposés sur le long terme afin que des personnes de tous les alentours puissent y participer. Elle insiste aussi sur le fait qu’avec les autres conseillers de la région, elle a réussi à former un réseau solide qui lui permet de lever un doute quand elle a une question ou encore de créer des événements, rendant plus dynamiques encore leurs actions.
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