Conseiller numérique depuis plus d’un an sur l’île de la Réunion, Yannick Rugel aime la dimension humaine et sociale de son travail. Il accompagne notamment des jeunes en réinsertion professionnelle. Un défi passionnant !
Pouvez-vous d’abord vous présenter en quelques mots ?
J’ai 32 ans et je suis devenu conseiller numérique après une reconversion professionnelle. Je suis issu d’une filière technologique-informatique de niveau Bac+2 et j’ai commencé comme technicien dans différents domaines comme l’agriculture et l’électricité. Comme ma profession ne m’intéressait plus, j’ai décidé de reprendre l’école et de me former à la médiation numérique en travail social. Je travaille aujourd’hui au sein de l’association Emergence OI et j’interviens auprès de publics de 7 à 77 ans, qu’ils soient français, étrangers ou porteurs de handicaps par exemple. Depuis quelque temps, j’accompagne également des jeunes issus de programmes judiciaires qui doivent se réinsérer dans la société. Je suis une sorte de conseiller numérique nomade et polyvalent !
Quelles sont les problématiques que vous rencontrez le plus souvent avec le public que vous accompagnez ?
L’illectronisme avant tout, et l’illettrisme. Ce sont deux facteurs qui vont ensemble, car aujourd’hui on est obligé de savoir lire et écrire pour utiliser un téléphone ou un ordinateur et on remarque vraiment qu’il y a un fossé. D’ailleurs, je n’appelle plus ça une fracture mais un fossé. Il y a tellement de monde qui est perdu avec le numérique, qui ne se sent plus à l’aise avec, c’est un vrai problème, surtout pour ces jeunes au passé compliqué qui se sentent déjà exclus par la société. À travers les formations et l’accompagnement que nous proposons, nous leur permettons de reprendre confiance dans l’outil numérique et de prendre confiance en eux aussi. Ici, on met vraiment l’accent sur le volet social, plus que numérique.
En quoi consiste l’accompagnement que vous leur proposez ?
Avec ce public, nous commençons par faire une remise à niveau en français et en mathématiques. Ensuite, on va les accompagner sur des aspects plus concrets comme rédiger un CV et une lettre de motivation tout en essayant de les mettre en valeur. On peut parfois avoir un rôle de coach, on va essayer d’aller chercher les pépites, le petit truc en plus qu’ils ont en eux et qu’ils n’ont pas encore décelé. Nous, nous sommes aussi là pour leur montrer leurs capacités, les valoriser et leur dire qu’en venant chez nous, ils manifestent la volonté de se réinsérer et c’est en soi, un premier pas très important. Nous les poussons vraiment à utiliser toute cette énergie-là et nous essayons de les faire monter en compétences à leur rythme. Nous, on est là pour leur tendre la main, leur dire qu’on est là pour eux.
Vous animez également des ateliers dans le FabLab de l’association, un espace dédié aux nouvelles technologies. Ça doit être un lieu particulièrement stimulant pour eux ?
Oui, pour eux c’est vraiment une découverte. Il s’agit d’un lieu dans lequel nous mettons à disposition plusieurs outils et machines numériques comme des imprimantes 3D, des scanners, des découpeuses laser, des casques de réalité virtuelle… Certains n’ont vu ça que dans des films ou des émissions ! Ça leur permet de voir une autre facette des métiers du numérique et ça peut en effet créer des vocations. Nous leur proposons d’ailleurs des stages d’immersion avec un programme sur deux semaines durant lequel nous essayons de les rendre autonomes sur ces machines. L’esprit du FabLab, c’est de pouvoir fabriquer, prototyper, inventer tout en se donnant le droit à l’erreur. En se trompant, c’est là que l’on progresse vraiment. On leur laisse la possibilité de créer tout ce qui leur passe par la tête et c’est vraiment libérateur pour eux.
Quelles sont les réactions que vous avez ?
L’émerveillement. On découvre une autre facette de ces personnes-là. Nous ne sommes pas dans le jugement, dans les aprioris… Les actes que la personne a pu faire, on les laisse à la porte et quand elle entre, on la considère comme une personne qui veut découvrir, qui veut apprendre. Le simple fait de proposer un café, un thé, un soda à son arrivée, c’est une marque de respect et de considération qui fait toute la différence et qui permet de briser la glace. On essaie de leur faire comprendre que c’est un lieu où tu viens comme tu es et dans lequel tu es accepté.
Haut de page